Respecter le corps vulnérable

Publié par Natacha Odonnat le

Le jeudi 24 août 2023, j’ai participé à la table ronde sur les pratiques anti-harcèlements au théâtre intitulée « Soi(n) : respecter le corps vulnérable ». Cette table ronde était proposée par l’Association des Compagnies de Théâtre (ACT) à la demande de la CNESST. Elle avait lieu aux écuries, un centre de création et de diffusion théâtrale fondée en 2005. Une première table ronde s’était déjà tenue, il s’agissait de mettre le doigt sur les pratiques à proscrire. Cette fois-ci, il fallait suggérer de bonnes pratiques. Lauren Hartley assurait l’animation de la table ronde. Nous étions convié.e.s à écouter :

  • Sylvie Drapeau (Elle)ꓽ autrice et comédienne
  • Cha Raountenfeld, (Iel)ꓽrice et comédien.ne
  • Brigitte Poupart (Elle) : Metteuse en scène et comédienne

L’assemblée était en majorité constituée de comédien.ne.s venu.e.s s’enquérir de ce qu’ils étaient en droit de refuser et savoir comment se protéger.

 

Sylvie Drapeau a exprimé, joignant le geste à la parole son aversion de la violence sur scène. Il n’est plus question pour elle qu’une arme blanche lui soit mise sous la gorge, par exemple, que ce soit en répétition ou en représentation. Ce n’est pas indispensable. De plus, elle pense au confort et à la perception du public. Se sentira-t-il à l’aise devant une telle scène ? Aura-t-il l’impression d’une exaltation ou d’une dénonciation de la violence ? En tout état de cause, les trois intervenantes s’accordent sur le fait qu’une pièce de théâtre avec des scènes de violence sans un moment où la violence est clairement dénoncée n’est plus acceptable de nos jours.

 

Cha Raountenfeld a parlé du fait que les écoles de théâtre n’apprennent pas aux étudiant.e.s à respecter leurs limites. Par la suite, je lui ai demandé s’il fallait absolument s’inscrire à une école de théâtre pour espérer être comédien.ne puisqu’il semble qu’il y soit encore difficile de faire accepter sa vulnérabilité devant certaines situations. Iel m’a répondu non. Cependant, iel affirme qu’être diplômé.e d’une école de théâtre permet de gagner du temps et de la légitimité dans le milieu.  

Suite à mon apport concernant la prise en compte de la grossophobie, des personnes souffrant de troubles alimentaires et du choix des textes à mettre en scène, Cha Raountenfeld a voulu savoir qui je suis. J’avais parlé d’une expérience vécue en tant qu’autrice et éditrice. Je lui ai dit que je suis propriétaire d’une entreprise dédiée aux arts et aux lettres et que beaucoup de personnes me demandent pourquoi je ne fais pas mettre en scène les textes publiés chez Shanaprod. Je lui ai dit que si je choisissais de me lancer dans cette aventure, il me faudrait embaucher des metteur.e.s en scène et comédien.ne.s et qu’il me fallait donc m’intéresser aux meilleures pratiques.

Je lui ai aussi touché quelques mots à propos de mon projet artistique sur ma page Facebook. J’y suis la Met-a-manyok de Radio Monkondji, une radio silencieuse qui s’anime quand les personnes réagissent, commentent, cliquent sur les liens.   Je lui ai dit que j’encourageais les gens à plutôt lire les textes à haute voix à leurs parents, ami.e.s et allié.e.s puis à en parler entre eux. Je me suis rendu compte que les personnes le faisaient vraiment quand je suis allée en vacances en Martinique en 2022. Elles m’ont parlé de certains textes. En 2021, j’avais déjà appris qu’elles faisaient des captures d’écran des textes et les faisaient circuler dans des groupes Whatsapp.

Au début, j’écrivais simplement comme on le ferait dans un cahier de pensées pour me vider la tête, me libérer l’esprit. Parfois, je n’écrivais rien pendant des semaines parce que j’avais envie de garder mes états d’âme pur moi.  Lorsque des personnes malades voire hospitalisées m’ont réclamé des textes parce qu’ils leur apportaient une bouffée d’air frais, j’ai commencé à me poser des questions sur mes écrits. Je me suis demandé si je ne devais pas davantage faire attention à ce que j’écrivais puis je me suis dit que je devais simplement continuer à écrire. De toutes les façons, je ne le fais pas pour être applaudie mais simplement pour me sentir mieux.  Une chose est sûre, je ne cherche à blesser quiconque. Si jamais une personne se sentirait inconfortable face à mes écrits, je l’encourage à rentrer en contact avec moi pour en parler.

Ceci m’amène à vous faire part d’une situation rapportée par la metteure en scène et comédienne Brigitte Poupart.

 

Brigitte Poupart a travaillé avec une comédienne originaire du Burundi qui s’est sentie mal au cours d’une scène qu’elle avait déjà jouée une dizaine de fois sans aucun problème. Brigitte Poupart a tout de suite pris en compte le mal-être de la comédienne qui a pu voir un psychologue. Le geste fait par la comédienne avait réveillé en elle un souvenir de son enfance tapis dans sa mémoire. J’ai voulu savoir si la comédienne n’avait pas été mise sur liste noire par la suite. Pas du tout, elle continue à travailler tranquillement. Il était important pour moi de le savoir en tant que personne afrodescendante. En effet, nous portons en nous  les effets d’atrocités des siècles passées souvent de manière inconsciente. Cette mémoire ancestrale peut se manifester de manière inattendue, sans crier gare. Il ne faudrait pas que nous en soyons pénalisé.e.s et ne puissions pas travailler dans les domaines de nos rêves parce que la vulnérabilité de nos corps ne serait pas respectée.  

 

En définitive, j’ai surtout retenu qu’il ne faut pas hésiter à parler, à dire ce qui ne va pas, à dire non. De plus, après #metoo, il est improbable que quelqu’un n’ait jamais entendu parler de la notion de consentement, ici au Québec. La communication est la clé des pratiques anti-harcèlements au théâtre. La vidéo de la table ronde sera disponible sur le site internet de l’ACT.

 

Article de Natacha Odonnat

  

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